
Le prix de l’ego: quand les performances Strava s’achètent
Strava, cette plateforme prisée des sportifs pour suivre leurs entraînements et comparer leurs performances, est en train de voir émerger un phénomène troublant : des utilisateurs prêts à payer des coureurs ou des cyclistes pour accomplir des activités sportives à leur place. Ce qui, à l’origine, était un espace de motivation et de dépassement personnel se transforme pour certains en simple vitrine sociale, où l’important n’est plus l’effort, mais l’image qu’il projette aux autres.
En effet, on constate l’émergence d’un véritable marché où des sportifs proposent, contre rémunération, de réaliser des sorties en course à pied ou à vélo pour le compte d’autres utilisateurs. Initialement apparue en Asie, cette pratique commence à gagner du terrain en Europe, portée par la demande de personnes souhaitant afficher des performances sans fournir l’effort correspondant.
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— Strava Jockey France (@StravaJockeyFr) March 2, 2025
Cette tendance soulève une question essentielle sur l’évolution de la pratique sportive à l’ère numérique. Là où l’effort physique procure normalement une satisfaction intrinsèque, certains semblent aujourd’hui privilégier la reconnaissance extérieure. L’envie de se distinguer, de collectionner des KOM (King of the Mountain) ou de publier des sorties impressionnantes pousse certains à contourner l’essence même du sport. Ce glissement vers la « performance factice » témoigne d’un basculement où l’authenticité cède la place au besoin de validation sociale.
Ce phénomène pose également une interrogation sur la valeur réelle de ces accomplissements. Peut-on vraiment ressentir de la fierté en affichant une performance que l’on n’a pas réalisée soi-même ? Au-delà du simple mensonge vis-à-vis de ses abonnés, c’est une forme d’auto-illusion qui se met en place. Le sport a toujours été un moyen de se confronter à soi-même, de repousser ses propres limites. Mais lorsque le simple fait de « paraître » performant prend le dessus, on en vient à trahir non seulement les autres, mais aussi l’esprit même de l’effort.
Finalement, cette dérive illustre à quel point la gamification et la dimension sociale du sport numérique peuvent avoir des effets pervers. Strava, comme bien d’autres plateformes, repose sur un subtil équilibre entre motivation et comparaison. Mais lorsque cette dynamique se transforme en quête obsessionnelle de reconnaissance, jusqu’à payer pour des performances fictives, il devient urgent de s’interroger sur le sens réel que l’on donne au sport et à son propre engagement physique.